LE GR20, vu de l’intérieur (par Christophe)
« L’action est la véritable fête de l’homme authentique »
16 mois de préparation, d’échanges WhatsApp, Facebook, Skype et centaine de courriels (et même la création de ce site web) ont été utiles pour assurer la coordination de ce groupe d’amis disséminés à travers le monde et qui pour certains ne s’étaient pas revus depuis plus de 20 ans. Nous étions cependant tous bien présents le 30 juin dernier à Calenzana avec la ferme intention de rallier Vizzavona le samedi 07 juillet 2019.
Si maintenir – ou développer – une bonne condition physique a été au cœur de notre préoccupation ces derniers mois, nous avions surtout comme motivation principale celle de nous réunir autour d’une cause qui nous tenait à cœur et pour laquelle nous avons collecté des fonds au profit HI Canada: l’éducation inclusive. Le résultat ? Un très beau succès puisque presque 8000 $ ont été collectés dans plus de 15 pays auprès de 84 contributeurs. De São Paulo (Brésil) à Strasbourg (France) en passant par Munich (Allemagne), de Hong-Kong (Chine) à Montréal (Canada) en passant par Lisbonne (Portugal), Santiago (Chili) et St Denis, (France) l’équipe du Prochain Défi a boosté son reseau et uni ses forces et son énergie pour HI.
Christophe, responsable des partenariats philanthropiques chez HI Canada a été l’étincelle de cette initiative solidaire : « Je vis à Montréal avec ma famille et mon 2ème fils, qui présente des défis, va dans une classe adaptée au sein d’une école classique. Si la différence est ici considérée comme une richesse, imaginez une seule seconde, celles et ceux pour qui ce n’est pas le cas et dont la prise en compte est soit inadaptée ou au pire inexistante. C’est malheureusement une abrupte réalité pour 32 millions d’enfants dans le monde qui ne vont pas à l’école. Se réunir pour lever des fonds pour financer les programmes d’éducation inclusive proposés par HI nous est apparu comme une évidence et nous a permis de nous recentrer sur une valeur essentielle, moteur de notre amitié: la solidarité. »
Concrètement, comment s’est passé ce défi ?
Mythique et impitoyable le GR20 ne livre ses plus beaux atours qu’aux courageux marcheurs qui, avec humilité et détermination se frottent à lui. C’est –quand même– le sentier de grande randonnée le plus dur d’Europe. Pour une première, nous n’avions pas fait les choses à moitié et disons le tout de suite, on en a rééellement chié bavé sur ces sentiers corses, à la fois exigeants, techiques. La canicule de fin juin-début juillet est aussi venu rajouter deux risques supplémentaires: le manque d’eau et le risque d’orage.
Préparer le GR20 à distance et les étapes est une chose, marcher entre 9h et…14h (oui oui) par jour en est une autre ! 🙂 Je vais donc, rapidement vous le faire vivre jour par jour en quelques lignes.
30 juin: Montréal- Francfort-Paris-Nice- Calvi
Première surprise pour moi à l’aéroport de Calvi: mon sac à dos manque à l’appel. Bon, vu les correspondances, au final c’était presque couru d’avance. Ça part mal pour l’étape du lendemain matin ! Le sac localisé par Air Corsica est resté à Nice et comme il n’y qu’un seul vol par jour, je le récupèrerai le lendemain à 16h30. Qu’à cela ne tienne, je suis d’un naturel plutôt optimiste et relax sur ce coup là. Je décide donc de partir avec mes camarades sur la première étape, symboliquement pour être tous ensemble tout en sachant que je devrai redescendre puis remonter le soir au refuge avec Nico. La vie c’est parfois + simple quand c’est minimaliste. 🙂
1er juillet: Calenzana-Ortu Di U Piobbu.
1360 de dénivelé positif (d+). Temps de marche ciblé: 6h30. “Petite” mise en jambe pour tous ceux qui ont un décalage horaire. Le refuge a brûlé en mai dernier, on dormira en tente. Cette premiére étape fut assez roulante (“tant que ça monte…on monte !” ) , il y a quand même eu des écarts de 1h30 à l’arrivée et je suis redescendu (après 1000m de d+) à l’aéroport, récupérer mon sac à dos (oui il était là :-)) Nous sommes ensuite remontés via la liaison Bonifatu-Ortu (980 de d+) avec Nico pour arriver vers 20h30 au refuge (juste avant la nuit). Repas et dodo. La soirée fut très courte.
02 juillet: Ortu Di U Piobbu- Ascu Di Stagnu (Etape doublée).
Les choses (très) sérieuses commencent. 1580 de D+ sur la journée. Temps ciblé: 10h10 avec variante Bonifatu (ce que j’avais monté la veille, je le redescends le lendemain matin) pour aller chercher le refuge de Carrozzu le midi. Cette étape fut dantesque à bien des égards et a laissé beaucoup de traces physiques sur le groupe. Nous mettrons au total 12h30 car nous nous faisons surprendre par quelques gouttes de pluie au passage du col et les pierres deviennent glissantes (et la descente beaucoup plus dangereuse sur cette partie réputée difficile). Le rythme de la montée précédente, la chaleur et les passages techniques après la passerelle de Spasimata annoncaient déjà une journée de grosse galère pour au moins l’un d’entre nous (Nicolas). Il arrêtera le soir par peur de se mettre en danger. Du haut du col jusqu’au refuge plus bas, il nous faudra encore 2h30 pour descendre. Nous dormirons aussi en tente car il y a – selon les randonneurs croisés et les infos sur le site du PNC- des puces de lit partout dans les refuges. Nous prenons la décision le soir, pour rassurer l’équipe et ne pas se blesser sérieusement (le but étant d’arriver en entier) de monter au village de Calasima (le plus haut village de Corse) le lendemain et de nous rendre à Ciottulu di U Mori via une bergerie ou nous ferons étape le midi plutôt que de monter à 2700 m ou prendre le Cirque de la Solitude (fermé depuis l’accident mortel de 7 randonneurs en 2015).
Impressions après une journée de malade…! Avant d’arriver au refuge d’Asco le 02 juillet 2019.
03 juillet: Calasima- Ciottulu di I Mori
La montée de Calasima jusqu’aux bergeries d’Avalone (30 mn pas loin du refuge de Tighettu ou nous aurions dû arriver) se fait sans grande difficulté et avec le sourire. Gros repas le midi et départ vers Ciottulu (avec l’orage juste derrière nous). On range les bâtons de randonnées (histoire de ne pas attirer la foudre – voir la vidéo ci-dessous) et – coup de chance- l’orage s’éloigne tout doucement mais sûrement (oui on compte les secondes après chaque grondement de tonnerre). Le refuge est celui qui est le plus haut du GR et le drapeau québécois flotte fièrement sur le toit (des randonneurs québécois ont fêté la St Jean la semaine qui précède). C’est bon signe et nous arrivons enfin après une petite dizaine d’heures de marche à profiter d’une vue magnifique sur la chaine de montagnes corses.
Oui on regarde le ciel pour se préparer à l’orage qui est derrière nous. Ranger les bâtons est un impératif !
04 juillet: Ciottulu di I Mori- Manganu
Départ “tardif” à 6h du matin pour 23km de randonnée mais “seulement” 650 de D+. On récupère des jours 2 et 3. (enfin façon de parler). Ce 4ème jour marquera les esprits mais peut-être moins les corps. Petite anecdote au petit déjeuner, nos sandwichs de la veille ont fini dans les ventres de bouquetins qui sont venus nous visiter pendant la nuit. (horrible nuit d’ailleurs puisque ce fut un concert de ronflements). Les premiers randonneurs à partir se sont levés à 4h15 et quelqu’un a pris mes tongs pour les siennes et est parti avec. Je me retrouve avec des tongs taille 41 (je chausse du 46). Bref ! 🙂 On passe des endroits magnifiques et on croise des légionnaires qui s’entrainent avec des sacs à dos de 14 kilos à courir comme des malades en montagne. On arrive sur des plateaux herbeux avec des chevaux sauvages et toujours une chaleur infernale. On boit chacun environ 3 litres d’eau par jour et on remplit nos gourdes dans les sources que l’on croise un peu plus fréquemment désormais. On arrive au refuge épuisés après cette journée et profitons d’une douche bien fraiche pour nous remettre les idées en place ! La bonne nouvelle ? Je retrouve le détenteur de mes tongs et lui rend les siennes. On boit un coup pour fêter ça !
05 juillet: Manganu – Onda (étape doublée)
Seulement 12h30 de marche (et d’escalade). Oui seulement. 😉 Notre énergie n’a d’égale que notre motivation pour aider les enfants en situation de handicap à aller à l’école. On part donc à la frontale le matin vers 5h30 et on se rend à 2229 m d’altitude pour admirer les lacs de Melo et Capitello. C’est juste magique et magnifique. Ensuite on redescend vers le refuge ou on mangera le midi (Pietra) et on ne mets “que” 7h pour faire cette première étape du jour. Ce n’est malheureusement pas le cas d’un autre Nicolas (oui il semble y avoir une malédiction sur les Nicolas) qui arrive bien après nous avec les pieds en sang. Les ampoules soignées (et multiples Compeed) n’y font rien. Il mesure 2m notre Nico, mais il a besoin de repos et on voit qu’il a été au bout. On prend le temps qu’il faut avec lui mais il est clair qu’il faut trouver une solution car il nous reste encore de a marche et il est déjà 14h30. Au delà des risques d’orage et des arrivées nocturnes, il faut aviser. La montagne reste un terrain de surprises et dangereux. Alors on prend le sentier des crêtes qui nous permet théoriquement de raccourcir l’étape de 2h. On montera un peu plus haut, ce sera plus technique mais vu le timing on ne peut pas prendre le risque d’arriver trop tard. Finalement, on mettra pas loin de 5h00 sur les crêtes avec Samuel qui se fait une belle entorse à la cheville dans un passage technique et Xavier vient de découvrir que les crêtes finalement, très peu pour lui. Il est vrai que un pas à côté ou un moment d’inattention et c’est la chute qui fait mal ou alors très mal. Donc on reste ensemble et on s’attend, on avance. Le vent n’arrange rien. Cette étape est donc une souffrance physique et psychologique. On croise un troupeau de moutons avec une bergère, téléphone portable vissé à l’oreille (oui on capte la 3G sur les crêtes, c’est vraiment haut) et elle nous dit qu’on est plus très loin. Humour corse ou pas, 2h plus tard on arrive au refuge. Il est environ 20h15 et on est juste rincés. Pas le courage de prendre une douche froide on mange et on file au lit. Je ne me suis jamais endormi aussi vite je pense.
06 juillet: : de l’Onda à Vizzavona. Dernière étape de notre GR20 en Haute Corse en roue libre avec “seulement 700 de D+” et 1200 de D- et 10km (ou 8h30 de marche).
Démarrage aux aurores (6h) avec un petit déjeuner très light .Aujourd’hui c’est la fin de notre défi solidaire pour HI. On monte durement au sommet mais en allant curieusement assez rapidement car on y passe 1h plus vite que le temps de référence. On se pose là et on démarre la lonnnnnnnnngue descente vers Vizzavonna. Tout va bien. Les jours passent et on s’est aguerris. Ma crainte était vraiment que quelqu’un se blesse sérieusement, après tout je les avais entrainé dans un truc de dingue, ça n’arrivera pas. (OUF!) Derniers échanges et repas partagés avec les randonneurs qu’on a croisé ici et là (Salavatore et même des personnes qui avait assisté au discours de kick off à Calenzana) dans les refuges et qui terminent aussi là bas. Les paysages sont à couper le souffle, il fait chaud mais on n’aura pas le temps de se baigner dans les vasques: le train pour Ajaccio part de la gare de Vizzavona à 14h21. On arrive à Vizzavona, épuisés mais tellement heureux vers 13h15. Gros repas ! Et beaucoup de bières et d’Oranginas au menu pour récupérer.
Nous sommes allés au bout du défi et de nous même pour HI. Ce fut grandiose et magnifique. On récupère du réseau 3G et les dons affluent sur la campagne les 06 et 07 juillet. On dépasse les 7800 $ le soir du 07 juillet ! On parle même de nous dans la Voix du Nord, un journal du Nord de la France.
Repos à Ajaccio et repas de célébration le soir !
07 juillet: Dodo, Repas du midi ensemble et chacun repart chez soi avec la fierté du devoir accompli. Quelle aventure !
Ce fut une expérience tellement enrichissante, un moment suspendu hors du temps. Merci de m’avoir lu jusqu’ici !
Chris, le 26 janvier 2020
3 Replies to “le GR20, tranches de vie…”